Même avec Omar Sy, le film ‘Tirailleurs’ rate son opportunité post-coloniale

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La machine promotionnelle et médiatique de deux géants – les coproducteurs du film Tirailleurs (titre anglais : Père et soldat) Omar Sy et Gaumont – bat son plein, prêt à surfer sur les sentiments d’injustice entretenus par les diasporas subsahariennes en France et ailleurs.

Bien que les avant-premières du film aient été couronnées de succès, sa sortie en janvier devrait soulever des questions fondamentales sur le fait que ce long métrage – qui vise à réparer le injustice fait par le cinéma français à l’histoire des combattants indigènes – a pourtant commis l’erreur de négliger le rôle joué par les Subsahariens dans les guerres françaises, au profit d’une vision plus étroite.

C’est vrai que le public de l’avant-première du Dakar était conquis d’avance. Le père d’Omar Sy est de là-bas [his mother is Mauritanian] et les Sénégalais – grâce à leurs relations, leur diaspora active, leurs excellents historiens et leur militantisme politique – occupent une place prépondérante dans l’imaginaire néocolonial français.

A tel point que tous les vétérans africains des guerres mondiales sont désignés par le même terme : « Sénégalais tirailleur» (tireur ou tirailleur sénégalais en anglais), une expression qui est l’objet de ma colère et de celle de bien d’autres Subsahariens qui désespèrent devant cette paresse artistique, intellectuelle et politique persistante. [Editor’s Note: the military term was originally coined under Napoleon Bonaparte to describe light infantry skirmishers].

Une histoire peu racontée

Si l’on tente de contextualiser le film, difficile de ne pas être séduit par l’ambition affichée face au vide créatif existant autour de ce conte fondateur de la diversité française.

Plus de 200 000 fusiliers, recrutés ou enrôlés de force dans toute l’Afrique, ont combattu sur les fronts de la Première et de la Seconde Guerre mondiale. Plus de 30 000 ont perdu la vie, près de 200 morts dans la plus grande catastrophe navale de France avec le naufrage du paquebot Afrique, des centaines ont été fusillés par l’armée française pour rébellion pendant la Seconde Guerre mondiale, notamment à Thiaroye dans la banlieue de Dakar, et des dizaines de milliers sont revenus mutilés ou blessés.

A ce bilan s’ajoutent les milliers de personnes qui ont succombé au froid dans les foyers Adoma de la région parisienne lors du gel des pensions des anciens combattants – avec l’obligation précitée de passer six longs mois en France pour percevoir une allocation plus digne.

Peu de livres ont été écrits sur cette histoire tragique mais héroïque, et encore moins de films réalisés. Et à cet égard, le pari des créateurs de Tirailleurs – tourné pour la plupart en Afrique – est audacieux, digne de respect et d’encouragement. Accompagner les spectateurs sur la crête entre épopée populaire et conte intimiste permet de s’identifier au destin de cette jeunesse africaine sacrifiée. Une approche de l’identification qui reste néanmoins fragmentée.

Un seul terme pour des réalités très différentes

Pour le colonisateur, le Noir indigène, le colonisé, n’avait ni sa propre identité ni sa propre civilisation. Les bataillons de soldats subsahariens réquisitionnés par l’ancienne puissance coloniale étaient en effet appelés à tort « tirailleurs sénégalais ». Le colonisateur reste collé à l’image raciste du Sénégalais, c’est-à-dire de l’Africain qu’il connaît le mieux, qu’il a d’abord promu et « intégré » dans le monde des élites coloniales, néo-coloniales et post-coloniales.

Que ce soit à Dakar ou dans les salles françaises, le public a peu de chances de remarquer les raccourcis incompréhensibles – et inadmissibles – auxquels se livre cette fiction, manquant le rendez-vous post-colonial qui devrait être exigé de tout récit sur le place des Africains dans la construction de la mondialisation. La pluralité des hommes qui se sont alignés sur les fronts des guerres françaises devrait être visible, ou du moins suggérée, dans toute œuvre de fiction sur le sujet.

Dans Tirailleurs, les troupes françaises font irruption dans le village peul de Bakary Diallo (Omar Sy) pour recruter de force de jeunes soldats, dont son fils de 17 ans, Thierno (Alassane Diong). Bakary rejoint à son tour l’armée française pour protéger son fils. Envoyés au front, père et fils font la guerre ensemble. Leur destin croisera celui d’autres « tirailleurs » des huit colonies de l’Afrique occidentale française (AOF), dont on n’entendra plus parler, éternels figurants de l’histoire qui, jusqu’au XXIe siècle, peine à les intégrer et de dépasser les limites de l’ancienne capitale de l’AOF, balbutiant entre wolof et peul.

Au regard de l’évolution de la conscience collective, de l’ambition affichée du film et de sa connaissance de l’actualité, cette trahison est inacceptable. Le dilemme crucial auquel est confronté le tirailleur Bakary Diallo, enrôlé de force mais peu à peu séduit par la méritocratie militaire française, n’est pas exclusivement sénégalais, comme pourraient le laisser penser les deux seules langues africaines entendues dans le film, le peul et le wolof.

Des dizaines de langues africaines étouffées

Les échanges entre les protagonistes peuls sont systématiquement traduits tout au long du film et le wolof se fait entendre dans le décor du camp où les tirailleurs attendent l’assaut de l’ennemi. Mais qui, parmi les nombreux téléspectateurs occidentaux, remarquera que ces deux langues africaines sont presque exclusivement sénégalaises ?

Combien se demanderont pourquoi les réalisateurs et producteurs, manifestement conscients de la nécessité de déconstruire l’image du tirailleur, ont choisi d’étouffer les dizaines d’autres langues africaines entendues pendant la Première et la Seconde Guerre mondiale : bambara, haoussa, dioula, fon, baoulé, bété… , Malinké, etc ?

Est-ce un détail mineur ? Faut-il l’ignorer pour se laisser enivrer par l’engagement et la sincérité des créateurs du film, certes incomplet, mais qui ose tout de même revisiter les traumatismes de Histoire coloniale française? Peut-on continuer à ignorer le sentiment d’injustice que de nombreux Subsahariens ont en eux face à la place quasi exclusive occupée par les Sénégalais et leur diaspora dans la mémoire coloniale, néo-coloniale et post-coloniale ? N’y a-t-il pas des moyens techniques de refléter toute la vérité historique ?

Le 14 décembre, Omar Sy a déclaré France 3 qu’avec Tirailleurs, il voulait comprendre et nous faire ressentir « la violence d’être jeté dans un lieu où l’on ne comprend rien, dans un conflit dont on ne comprend rien et puisque l’on ne parle pas la langue, [it] ne peut pas nous être expliqué. Il a ajouté : « Tout nous est étranger. Nous ne savons pas pourquoi nous sommes ici. Tous les tirailleurs sénégalais ne parlaient pas la même langue ! [They] étaient des Noirs colonisés, pas nécessairement des Sénégalais. Ils ne savaient même pas avec qui ils étaient en guerre.

Alors pourquoi a-t-il choisi de n’inclure que deux langues sénégalaises dans le film qu’il a coproduit ?

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