La diligence raisonnable en matière de droits de l’homme progresse rapidement avec la version élargie du Parlement européen de la proposition de CSDDD | Hogan Lovells

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Arrière-plan

Les institutions de l’UE progressent vers un niveau supérieur de responsabilité des entreprises en matière de droits de l’homme et de protection de l’environnement. Face à une demande croissante de la société civile, les entreprises ont déjà été incitées à prendre en compte l’impact de leurs activités et à se conformer aux normes des droits de l’homme. Cependant, cette tendance évolue rapidement vers des obligations juridiques concrètes et prescriptives.

Plusieurs pays européens ont déjà imposé des obligations de diligence raisonnable et de déclaration aux entreprises afin de prévenir et de remédier à tout impact négatif sur les droits de l’homme et l’environnement.

En 2015, le Royaume-Uni a adopté la Loi sur l’esclavage moderne qui a été la première législation de fond en Europe à traiter de la responsabilité des entreprises en matière de droits de l’homme. Cependant, la loi britannique est limitée car elle impose uniquement l’obligation de rendre compte de toute mesure prise pour prévenir l’esclavage moderne (y compris dans la chaîne d’approvisionnement), mais n’impose aucune obligation de prendre de telles mesures.

La France a été le premier État à imposer une obligation de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme avec la promulgation de la Loi sur le devoir de vigilance le 27 mars 2017. En vertu de ce statut, les sociétés françaises de plus de 5 000 salariés en France et/ou de plus de 10 000 salariés dans le monde (y compris les salariés des filiales) sont tenues de mettre en place, de publier et de mettre en œuvre un « plan de vigilance ». Ce plan de vigilance vise à identifier, anticiper et prévenir les atteintes aux droits humains qui pourraient résulter des activités de la société mère, de ses filiales et sociétés affiliées contrôlées, ainsi que des fournisseurs et sous-traitants tout au long de la chaîne de valeur. Il y a déjà eu une jurisprudence matérielle (voir notre analyse d’une décision récente ici).

D’autres pays européens ont par la suite envisagé l’adoption de législations sur les droits de l’homme attendus et la diligence raisonnable en matière d’environnement. Plus récemment et surtout, l’Allemagne a rejoint le mouvement avec l’Allemagne Loi sur la diligence raisonnable des entreprises dans les chaînes d’approvisionnement du 16 juillet 2021 (la « SCDDA »), entrée en vigueur le 1er janvier 2023 pour les entreprises domiciliées en Allemagne et comptant 3 000 salariés ou plus (à partir de janvier 2024 : 1 000). La SCDDA comprend un ensemble complet d’obligations de diligence raisonnable dans le cadre d’un système de gestion des risques en matière de droits de l’homme, y compris, entre autres, des analyses de risques régulières et ad hoc et la mise en œuvre de mesures préventives et d’actions correctives en cas de violations (imminentes) et d’obligations de signalement. L’autorité compétente a déjà commencé l’exécution publique en émettant des demandes formelles d’informations. De plus, une ONG a formellement soumis la première plainte en vertu de la SCDDA à l’autorité compétente qui va maintenant décider d’enquêter ou non.


Progrès du CSDDD à ce jour

La Commission européenne a lancé le 26 octobre 2020 une grande consultation sur la responsabilité des entreprises en matière d’environnement, de droits sociaux et de droits de l’homme. De nombreuses parties prenantes (dont Hogan Lovells, comme indiqué ici) ont participé au débat.

Après avoir été présentée comme une priorité par la présidence française du Conseil de l’Union européenne, la Commission européenne a publié, le 23 février 2022, une proposition de directive sur le devoir de diligence en matière de développement durable des entreprises (la « CSDDD »), visant à introduire une obligation de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme pour les grandes entreprises opérant dans l’UE.

Le Conseil de l’UE a ensuite finalisé son position sur la proposition de la Commission le 30 novembre 2022. Si le texte modifiait certaines dispositions du projet de CSDDD, les obligations de diligence substantielles restaient globalement les mêmes.

Le 25 avril 2023, la commission des affaires juridiques du Parlement européen (la « commission JURI ») a pris position sur la proposition de directive avec 19 voix pour, 3 contre et 3 abstentions.

Enfin, le 1er juin 2023, le Parlement européen a adopté sa propre version du CSDDD qui est le résultat d’un compromis politique et a été atteint après d’âpres négociations avec 366 voix pour, 225 contre et 38 abstentions. Il est désormais réputé « essentiel d’établir un cadre européen pour une approche responsable et durable des chaînes de valeur mondiales, compte tenu de l’importance des entreprises en tant que pilier de la construction d’une société et d’une économie durables » (Considérant 4 du CSDDD).

La position du Parlement européen constituera la base des négociations lorsque débutera la phase de « trilogue » des discussions entre les institutions de l’UE.

Champ d’application

Le Parlement européen a considérablement élargi le champ d’application de la CSDDD contrairement à la proposition de la Commission et du Conseil qui couvrirait :

  • Entreprises de l’UE, avec (i) plus de 250 salariés et un chiffre d’affaires net annuel de 40 millions d’euros ou (ii) des sociétés mères de plus de 500 salariés et d’au moins 150 millions d’euros de chiffre d’affaires net mondial ; et
  • Entreprises hors UEavec (i) un chiffre d’affaires annuel net supérieur à 40 millions d’euros au sein de l’UE ou (ii) des sociétés mères employant plus de 500 salariés et un chiffre d’affaires net mondial de plus de 150 millions et dont au moins 40 millions ont été générés dans l’Union (article 2 du CSDDD ; considérants 21 et 23).

Ces seuils s’appliquent à toutes les entreprises, quel que soit leur secteur (c’est-à-dire que les services financiers seront inclus).

Les nouvelles obligations prévues par la directive s’appliqueraient au bout de trois ou quatre ans selon la taille de l’entreprise et, par exception, au bout de cinq ans pour les plus petites entreprises (c’est-à-dire dans le cadre d’une approche progressive) (article 30 du CSDDD) . Les petites et moyennes entreprises (PME), y compris les micro-entreprises, restent exclues à ce stade du champ d’application.

Contenu des obligations de diligence raisonnable

  • Relations commerciales établies versus partenaires commerciaux – La notion de « relations d’affaires établies« , proposé par la Commission, a été remplacé par « partenaires d’affaires« . Le Conseil et le Parlement européen ont donné la priorité à une approche fondée sur les risques afin de garantir la faisabilité pour les entreprises. Il a introduit de nouvelles dispositions sur la cartographie des risques et la hiérarchisation des impacts négatifs. Lorsque les entreprises ne sont pas en mesure de traiter tous les impacts négatifs en même temps, ils doivent – ​​comme dans le cadre du SCDDA allemand – hiérarchiser en fonction du degré de gravité et de probabilité, en traitant les impacts négatifs les plus significatifs avant de passer aux moins significatifs (article 3 du CSDDD).
  • Chaîne de valeur versus chaîne d’activités – Le terme « chaîne de valeur» proposée par la Commission a été initialement remplacée dans la proposition du Conseil par la notion de « chaîne d’activités », jugée plus neutre. Les États membres étaient favorables à la limitation du champ d’application à la « chaîne d’approvisionnement » (pertinente en droit allemand). Le Parlement européen a préféré le terme plus large de « chaîne de valeur » qui inclut à la fois les activités en amont et en aval sans aucune limitation, c’est-à-dire toutes les activités liées et les entités impliquées dans la production et le développement des produits ou services d’une entreprise, et dans la vente, la distribution, le transport, le stockage et la gestion des déchets des produits et services d’une entreprise (article 3 point g) du CSDDD ; considérant 18).
  • Entreprises financières – Le Conseil avait dans un premier temps clarifié la définition des entreprises financières réglementées, laissant les produits financiers hors du champ, notamment en raison de leur « spécificités » (c’est-à-dire les fonds d’investissement alternatifs (FIA) et les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM)). Le Parlement européen a toutefois voté en faveur de l’inclusion des entreprises financières dans le champ d’application de la directive. On peut s’attendre à des débats houleux à cet égard et la discussion pourrait conduire à différencier les différents types de sociétés de services financiers, certaines entrant dans le champ d’application tandis que d’autres en resteraient exclues (considérant 19).

Plan de lutte contre le changement climatique

À la demande des États membres, le Parlement européen a confirmé la position générale du Conseil. Le Parlement européen a toutefois ajouté que les entreprises devront mettre en œuvre un plan de transition, en consultation avec les parties prenantes, prévoyant une « véritable interaction » et un dialogue obligatoires avec les personnes concernées par leurs actions, telles que les défenseurs des droits de l’homme et les militants écologistes. En ce qui concerne l’alignement du modèle économique et de la stratégie de l’entreprise avec la transition vers une économie durable et avec la limitation du réchauffement climatique à 1,5°C conformément à l’Accord de Paris, la rédaction proposée du CSDDD reste la même. Cela dit, l’objectif d’atteindre la neutralité climatique d’ici 2050 tel qu’établi dans le règlement (UE) 2021/1119 et l’objectif climatique 2030 ont été explicitement ajoutés (article 15 de la CSDDD ; considérants 68 et 69).

La commission JURI avait également suggéré que les dirigeants des entreprises de plus de 1 000 salariés soient directement responsables de ces mesures, qui affecteraient à leur tour les parties variables de leur rémunération, telles que les primes. Fondamentalement, cette suggestion a été incluse dans le texte de compromis du Parlement (article 15, paragraphe 3, du CSDDD).

Les sanctions

Selon le compromis du Parlement, les entreprises non conformes seront responsables des dommages et sanctionnées par les organes de contrôle nationaux. Les sanctions comprendront des amendes pouvant atteindre au moins 5 % du chiffre d’affaires mondial net (en fonction de la mise en œuvre de la CSDDD dans le droit national des États membres). Ils comprendront également des mesures telles que « nommer et humilier » par des déclarations publiques des autorités indiquant qu’une entreprise n’est pas conforme, le retrait des produits d’une entreprise du marché et des mesures d’injonction. En ce qui concerne les entreprises non-UE non conformes, les sanctions encourues comprendront une interdiction des marchés publics dans l’UE (article 20 du CSDDD).

Responsabilité civile

Les dispositions relatives à la responsabilité civile ont été considérablement modifiées afin d’assurer une plus grande clarté et sécurité juridique pour les entreprises et d’éviter des interférences déraisonnables avec les systèmes de droit de la responsabilité civile des États membres.

Le texte révisé précise que la responsabilité des entreprises peut être engagée en cas de manquement aux obligations prévues par le CSDDD, notamment pour défaut de prévention, d’élaboration et de mise en œuvre d’un plan d’action de prévention ou de cessation des atteintes, dans les situations où de tels manquements entraîner des dommages causés à une personne physique ou morale. Cette responsabilité peut résulter d’impacts négatifs qui auraient dû être « identifiée, hiérarchisée, prévenue, atténuée, arrêtée, corrigée ou son étendue minimisée par des mesures appropriées » à l’égard des activités de la société, de ses filiales et des partenaires commerciaux directs et indirects de la société (article 22 du CSDDD ; considérant 56).

Elle prévoit également un délai de prescription d’au moins 10 ans pour intenter des actions en dommages-intérêts, précisant que lors de la fixation du point de départ de ce délai de prescription, les États membres devront tenir compte du moment où l’impact à l’origine du dommage a cessé et du moment où la victime concernée a su ou aurait pu raisonnablement s’attendre à savoir que le dommage subi a été causé par l’effet préjudiciable. Les États membres devront également veiller à ce que les frais de procédure ne soient pas prohibitifs pour que les demandeurs demandent justice (article 22 du CSDDD).

Prochaines étapes

Certains des changements apportés par le Conseil et le Parlement conduiront certainement à des opinions et des discussions controversées. Le premier « trilogue » débutera aujourd’hui, le 8 juin 2023. Ces négociations entre le Parlement et le Conseil devraient conduire à d’autres changements avant que le texte de la directive ne soit finalisé avec une approche progressive pour l’entrée en vigueur.

D’ici là, les législations nationales actuellement en vigueur et qui donnent déjà lieu à des actions répressives et à des contentieux (par exemple le devoir de vigilance français et le SCDDA allemand), montrent que les entreprises multinationales doivent mettre en place dès maintenant des systèmes de gestion des risques en matière de droits de l’homme et devraient se pencher sur la CSDDD tel que proposé compte tenu de la portée et de l’étendue des systèmes de conformité. Afin de « piloter le cap » dans cet environnement réglementaire complexe et en constante évolution et de minimiser les nombreux risques de conformité, les entreprises doivent mettre en place des processus et des mesures efficaces de gestion des risques ou de conformité.

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