Le projet de loi « équilibré » sur l’immigration de Macron ne parvient pas à convaincre la droite ou la gauche française | International


La France, qui affiche l’un de ses taux de chômage les plus bas depuis une décennie et demie, s’apprête à débattre d’une nouvelle loi sur l’immigration qui permettra l’embauche et la régularisation des immigrés sans papiers et des demandeurs d’asile dans les secteurs en pénurie de main-d’œuvre. Le projet de loi, qui a été présenté mercredi en Conseil des ministres, vise également à accélérer l’expulsion des ressortissants étrangers condamnés au pénal, ou ceux qui sont considérés comme représentant une « menace grave pour l’ordre public ».

Le projet de loi, intitulé «Maîtriser l’immigration tout en améliorant l’intégration», est le deuxième projet de loi majeur présenté par le gouvernement français depuis la réélection d’Emmanuel Macron en mai dernier. L’autre réforme clé sur la table du deuxième et dernier quinquennat de Macron concerne les modifications du système de retraite, qui ont été soumises à l’Assemblée nationale pour débat et se sont heurtées à un rejet social croissant parmi les citoyens. Mardi, pour la deuxième fois en moins de deux semaines, plus d’un million de personnes sont descendues dans la rue pour protester contre le projet du gouvernement de relever l’âge de la retraite de 62 à 64 ans.

« Nous vivons une situation migratoire qui peut sembler préoccupante », a déclaré le ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin lors de la présentation de la loi. « Il ne s’agit pas d’être pour ou contre l’immigration, mais de pouvoir contrôler et définir quel type d’immigration nous voulons. » Cependant, Marine Le Pen, leader du groupe d’extrême droite du Rassemblement national à l’Assemblée nationale, a déclaré que le projet de loi aura un effet d’attraction et amènera une nouvelle vague de migrants sans papiers en France pour attendre la prochaine campagne de régularisation.

Un équilibre entre poigne de fer et portes ouvertes

La nouvelle proposition sur l’immigration, la deuxième de la présidence de Macron, cherche à trouver un équilibre entre une poigne de fer et une politique d’ouverture. L’idée était d’obtenir le soutien de la gauche et de la droite à l’Assemblée nationale. Le résultat, dans l’état actuel des choses, a été tout le contraire : les deux ailes s’opposent à la réforme. La droite la juge trop laxiste alors que la gauche la juge répressive. Ayant perdu sa majorité parlementaire lors des élections législatives de juin dernier, Macron a du mal à rassembler suffisamment de voix pour le faire passer.

Le projet de loi contient un article qui devrait plaire aux éléments les plus conservateurs du parlement français. En vertu de la nouvelle loi, les étrangers en séjour régulier qui ont commis des crimes ou délits passibles de 10 ans de prison peuvent être expulsés. Il permettra également l’expulsion des étrangers sans papiers qui, selon les autorités, constituent une « menace grave pour l’ordre public ». Dans les deux cas, peu importe s’ils ont des liens personnels et familiaux sur le territoire français. La loi exige également un niveau minimum de compréhension de la langue française pour devenir résident légal en France. L’exigence actuelle se limite à suivre des cours de langue.

D’autres aspects du projet de loi comprennent des mesures traditionnellement progressistes. Sans proposer une régularisation générale, elle permettrait aux sans-papiers de régulariser leur statut en France s’ils exercent des métiers en pénurie de main-d’œuvre, qui selon l’Office français de l’emploi sont les suivants : couvreur, aide à domicile et femme de ménage, pharmacien, forgeron et serrurier, mécanicien et électricien automobile, carrossier, chauffeur de bus, plombier, infirmier et puéricultrice, menuisier. Pour en bénéficier, un travailleur devrait pouvoir justifier de trois ans de résidence et d’au moins huit mois d’activité dans l’un de ces métiers au cours des deux années précédentes.

Au troisième trimestre 2022, on dénombrait 373.100 offres d’emploi en France, en hausse de 3% par rapport au trimestre précédent, selon le service des études et statistiques du ministère du Travail. Le taux de chômage s’établit à 7,3% tandis que le nombre d’emplois vacants a augmenté de 77% par rapport au dernier trimestre 2019, juste avant que la pandémie de coronavirus ne frappe. L’an dernier, les demandes d’asile ont augmenté en France de 31% et les expulsions de 15%.

Le projet de loi prévoit également une voie d’entrée spéciale en France pour les médecins, les pharmaciens et les dentistes, entre autres professions de santé, via le « passeport talent ». Il y a un débat récurrent en France sur les régions avec peu de médecins et d’hôpitaux – surnommés « déserts médicaux » – et un manque général de professionnels dans le secteur de la santé.

Cependant, cette proposition a été critiquée en raison des craintes qu’en attirant des talents des pays africains, la France laissera ces pays sans les médecins et les professionnels de la santé dont ils ont eux-mêmes besoin. « [The government] veut profiter, sans payer, des professionnels formés par ces pays, ce qui se traduira par une réduction de l’accès aux soins pour leurs populations », plusieurs médecins de renom et anciens responsables politiques et d’ONG, dont Rony Brauman, l’ancien président de Médecins Sans Frontières, a déclaré dans un article publié dans Les Journal du dimanche. « Bref, il y a une volonté de transférer nos déserts médicaux dans les pays nés de nos anciennes colonies. Mais comment attirer des médecins de ces pays sans accepter ensuite de recevoir leurs populations malades, laissées sans leurs soins ?

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